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Monday, 9 December 2013

L'usure du net

" À la longue, l’addiction au web se révélait plus désastreuse que la télévision dont l’indigence des contenus avait au moins eu raison de ma patience. Si la télévision camouflait sa vacuité avec une pyrotechnie assourdissante, LéRézoSocio renouvelait sans cesse la vitrine : ce qui revenait au même. J’avais assisté, connecté et immobile, à la chute de dictatures, à l’anéantissement d’une région par un raz-de-marée en vidéo basse définition, à l’expulsion de familles menottées en roman-photo volé. J’avais rejoué le .GIF de l’adolescent perdant un œil sous le coup d’un flash-ball policier. J’avais vu un Boeing s’écraser en multi caméras avec doublage karaoké, lu des rumeurs en temps réel d’un présidentiable français se faisant arrêter à l’étranger. J’assistais à des décapitations au petit-déjeuner en trempant mon croissant dans la chicorée. Je participais aux cortèges virtuels des indignés par la peine de mort aux USA et m’offusquais en pétition des injures sexistes proférées par des élus de la République. Sur LéRézoSocio, je cassais les programmes radios et les réputations surfaites, accablais les journalistes forcément incompétents, pondais du LOL en me moquant du FAIL tout en faisant grimper les TT. Le temps long devenait caduc. En bloguant, j’avais réduit de moitié ma production littéraire. Depuis que je vagabondais sur LéRézoSocio, je réduisais à son tour de moitié l’écriture sur le blog. LéRézoSocio prolongeait la promotion de Paul Léotard. Chaque instant se vivait comme la possibilité d’un bon mot. Un bon mot se lisait cent fois plus que mon billet de blog le plus lu qui se lisait mille fois plus que mon livre le plus vendu. Je ne rédigeais plus que du piaillement sur l’actualité, c'est-à-dire rien ou pire, sa moitié instantanément publiée sous forme de minimessage ou de statut pour récolter du like et du RT. Pire, les aphorismes se répandaient jusque dans les rédactions. On retrouvait bientôt les citations sur l’écran de télévision, sur ces plateaux télés propulsant la parole internet comme la quintessence à bon marché de l’expression du terrain. Abeille ouvrière dans le mouvement perpétuel de l’information, petit producteur d’oubli moi aussi, je n’avais plus l’impérieuse nécessité d’écrire un récit. Je communiquais court et informatif et, à la longue, me mis à penser ainsi. "

Seb Musset, L'abondance. 
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Disponible ici en papier ou ebook.






P.S : Deux ou trois choses à régler et je reviens.

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