Les politiques sont tous pourris ? Non, en revanche il y a quelque chose de pourri chez tous les fraudeurs fiscaux. La nuance est de taille.
Après avoir menti avec conviction à l'assemblée et avoir menacé sur Twitter ceux relayant les "fausses informations" de Mediapart, Jerôme Cahuzac, ministre du Budget il y a encore trois semaines, avoue enfin avoir fraudé le fisc français. Je n'appréciais pas spécialement Cahuzac, mais j'espérais pour le pays qu'il soit innocent. Ça ne pouvait pas plus mal tomber, ça éclabousse l'ensemble d'une classe politique déjà bien peu aimée. D'autant que ce n'est peut-être que le début d'un nouveau feuilleton sur l'origine des 600.000 euros helvètes.
Mais Positivons. Le pataquès Cahuzac a au moins deux avantages:
1 / A la rentrée prochaine Jean-Michel Aphatie sera, peut-être (enfin ça se passerait comme ça dans un pays médiatiquement sain), envoyé à la présentation du télé-achat nocturne sur TV8 Mont-Blanc et ne plus palper un salaire à cinq chiffres pour cracher sur les journalistes qui font leur boulot, le tout sous les applaudissements.
2 / C'est l'opportunité idéale pour reparler de ce sport national du bourgeois qu'est la fraude fiscale et d'enfin y remédier.
Le Sénat estime le montant de cette fraude à 30 milliards d'euros, les experts Bruxelles eux penchent pour 45 milliards. Le syndicat Solidaires-Finances publiques situe l'ardoise plutôt entre 60 et 80. En gros, la fraude fiscale représente un manque à gagner de 20%, 6X le déficit de la sécurité sociale, de quoi financer les ministères de l'Education, des Finances et de la Justice.
Pour sortir de l'argent, encore faut-il en avoir. Les pauvres régulièrement pointés du doigt comme de grands fraudeurs sous la majorité précédente, ne représentent que la goutte d'eau au sommet de l'iceberg de la fraude, à 90% fiscale, comme le rappelait récemment ATD-Quart Monde.
Eux sont doublement lésés :
La majorité des salariés n'ont pas non plus les possibilités d'optimisation fiscale (mais ce n'est pas toujours l'envie qui en manque) d'un grand patron, d'un chirurgien esthétique réputé ou les possibilités de délocalisation d'un acteur surpayé. Non.
Eux sont doublement lésés :
1 / Cet argent n'ira pas au financement de services publics ou au remboursement de cette dette avec laquelle on leur martèle la tête.
2 / Ils devront payer en sus de leur part, celle détournée par nos courageux fraudeurs.
Puisque la priorité de François Hollande est de rétablir les comptes et s'il veut sauver l'honneur d'un gouvernement fort mal barré, qu'il entame sur le champ une vraie lutte contre la fraude fiscale (et non par le petit milliard de gains prévu par ce gouvernement ne se gènant par ailleurs pour demander aux travailleurs de cotiser plus longtemps). Il faut multiplier ce milliard au moins par 5 ou 10. Et pour cela, il faut embaucher des inspecteurs des impôts, multiplier les contrôles fiscaux.
Seulement voilà, et c'est là que ça devient aussi scandaleux qu'un ministre du budget qui ment en bloc et en détail: en 2013, 2 000 postes sont supprimés à la direction générale des finances publiques. Ces coupes dans les effectifs se rajoutent au 13.500 postes supprimés depuis le lancement de la RGPP (avec la fusion des Impôts et du Trésor public) par Nicolas Sarkozy.
En résultent des dossiers bâclés, un personnel moins formé. Peut-être même que la connaissance de l'intérieur de la fragilisation de cette administration de contrôle explique en partie le sentiment d'impunité et la "spirale du mensonge" d'un ministre du Budget.
Il faut à peu près deux ans pour former un inspecteur des impôts pleinement opérationnel et prêt à ramener le pognon. Comme l'inspecteur du travail, il fait également partie de ces fonctionnaires dont on peut très précisément évaluer la rentabilité (voilà qui fera plaisir à Agnès Verdier-Molinié). Ces inspecteurs rapportent infiniment plus qu'ils ne coûtent. Là, on ne serait plus dans le symbole du 75% qui va finir par ne concerner que trois personnes en France, mais bien dans une vraie lutte pour la réduction des déficits par la traque de la fraude avec à la clé de vrais gains.
Ce gouvernement, comme le précédent, n'a pas opté pour un plan d'embauches de ce côté-là. Quelqu'un au Budget a dû estimer sur son tableur Excel que ça coûtait trop cher, qu'il y a avait trop de fonctionnaires, que l'on avait besoin de pognon maintenant et pas dans deux ans, et qu'a être trop méchants avec les fraudeurs on ferait partir nos précieux riches déjà bien assez malheureux comme ça de ne plus quoi savoir faire de leur pognon.
A croire qu'il n'y a qu'eux qui votent dans ce pays.
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