Si j'en crois le traitement médiatique de l'affaire Cahuzac, il semble que le mensonge est pire que la fraude fiscale.
Il est vrai que le mensonge en politique, euh pardon l’aveu après le mensonge, est une chose rare ici. En ce sens, il fait avancer les choses. Chaque éditorialiste s’inquiète maintenant du sentiment de "tous pourris" que ne manquera pas de raviver cet aveu, en focalisant sur le convaincant déni de l'ex-ministre du Budget ces dernières semaines.
Peu se penchent en revanche sur cette pathologie de l'accumulation, cette terreur du partage qui conduit le bourgeois (je devrais dire de droite, mais on voit que ça brasse large) à se soustraire à l’impôt par la fraude, la déduction ou la niche (les aménagements légaux de la fraude). Et là, les politiques sont loin, très loin, d'être les seuls[1].
Tu me diras, on voit plus souvent la presse titrer sur les mille et une méthodes pour payer moins d’impôts, que sur les bienfaits de s'en acquitter (rappelons qu'un Français sur deux ne gagne pas assez pour être imposable).
(L'environnement médiatique sous prisme bourgeois: l'impôt est une douloureuse injustice à laquelle il est tout à fait normal de chercher à échapper.)
Regarde donc ce mini sondage en carton de L'Express sur ce que devrait faire Hollande après l'affaire Cahuzac...
Et non, pas d'option "renforcer la lutte contre la fraude fiscale". En revanche "Moraliser la politique, présenter des excuses, arrêter les leçons de morale"... On reste sur le terrain de l'émotif ou de la com'. Rien sur le cœur du problème (et des centaines de milliards de manque à gagner).
Étonnant non ?
Plus étonnant (ou pas), ce resserrement sur le terrain de l'émotion et du mensonge est reprise dans la réaction de "crise" de François Hollande. Le président avait l’opportunité de rappeler le rôle de la contribution pour la collectivité, le sens de l’impôt et ses usages en enchaînant dans la foulée avec l'annonce d'une véritable offensive contre la fraude fiscale. Il en est resté à questions de règlement intérieur à destination de la seule classe politique avec des mesures dont on ne comprend d'ailleurs pas qu'elles ne soient pas déjà appliquées depuis vingt ans.
Hollande réagit donc sur le même mode que la presse. En dénonçant moins l'objet du mensonge que le mensonge lui-même. Lutter contre le mensonge ne tuera pas la fraude. Le coup de poker raté de Cahuzac en est la preuve: on peut aller très très loin dans l'art de tromper son monde. En revanche, une lutte efficace contre la fraude diminue les possibilités de mentir.
Tout ceci me laisse un goût amer. En détournant leur regard du fond du problème pour se focaliser (quand ils ne peuvent plus faire autrement), sur la personne de Cahuzac, ceux qui façonnent l'opinion donnent cette impression de plus lui reprocher de s’être fait pincer en grugeant que d'avoir grugé.
Quelque chose me dit que ce traitement est déterminé par la classe sociale dans laquelle on évolue. Mais ne le crions pas trop forts, nous risquerions d'être taxés de populisme.
[1] Et si l'on prenait au Budget, un type ou une fille au SMIC réussissant, en plus, l'exploit de ne jamais être à découvert à la fin du mois ? Ce serait peut-être à expérimenter pour éviter les dérives.
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