Alors que l'assemblée commence enfin à débattre du mariage pour tous, Ayrault tease[1] déjà les médias sur l’éventualité du droit de vote des étrangers aux élections locales (« s’il y a la possibilité d’une majorité des 3/5e au parlement »), promesse de campagne que l’on pensait enterrée.
OK. Sur la méthode, plus de doute possible: ce gouvernement n'a pas la diversion discrète. Reconnaissons que pour le mariage pour tous, la mécanique a été redoutable:
1 / Ringardisation de la droite[1]. Elle a plongé la tête la première dans le ridicule[2], s’enferrant dans les retranchements poussiéreux de schémas patriarcaux d'un autre siècle, avant de sombrer dans l'effrayant avec ses accointances foireuses.
2 / Unité de la gauche (ses composantes sont pourtant loin d'être aussi enthousiastes sur d'autres pans de l'action gouvernementale) et augmentation de ses soutiens suite à la mobilisation à droite.
3 / OPA sur le temps d'information. On se souvient du souci sarkozyste de dicter l'agenda médiatique en début de quinquennat. Un sbire lançait une annonce le matin, elle était débattue toute la journée sur les ondes, puis close par le président lui-même le soir venu. Pendant ce temps là, on ne parlait pas des sujets qui fâchent. Le principe est le même ici, à la différence notable que la thématique est diluée sur des mois et que personne ne doute que la loi soit votée.
Inconvénient. En faisant traîner, dans un tel environnement média raffolant du clash ou de la libre expression du fétide au nom du débat d’idées, on attise les haines dans une société déjà à cran. Mais il semble que la connerie ne paye plus: suite aux excès et aux démonstrations de force des anti mariage gay, allant jusqu'au revival de la prière de rue, l’adhésion au projet de loi grimpe dans l'opinion (63% pour, sondage Ifop/Atlantico).
Ne boudons pas non plus notre plaisir, le magistral discours de Christine Taubira, servi avec son hachis de députés UMP, restera un grand moment du quinquennat et de l'histoire de l'assemblée nationale.
C'est le paradoxe de ce combat. D'un côté, le gouvernement fait profondément évoluer la société et on ne peut que l'encourager. De l'autre, il se sert de cet épisode pour masquer ses renoncements dans des domaines impactant pourtant bien plus de citoyens (réforme bancaire ou droit du travail pour n'en citer que deux).
Reste à savoir si, après un semestre sur le mariage des homos, les Français sont prêts à remettre le couvert sur le droit de vote des immigrés aux scrutins locaux et, surtout, s'ils tiendront longtemps avec de belles tribunes pour de nobles combats sans amélioration de leur situation personnelle sur le front de l'emploi, du pouvoir d'achat ou du logement.
Ils sont aujourd’hui 72% à estimer que le débat autour du mariage pour tous a trop duré.
[1] désolé.
[2] Cela ne se représentera pas souvent alors rendons hommage aux voix discordantes à droite: Franck Riester, Benoist Apparu, Yves Jego et Rama Yade.
[3] Notons pêle-mêle: un Mariton en mode trolling, un Guaino nous rejouant la petite marchande d'allumettes (the Malraux mix) et une Barjot explosant d'un plateau à l'autre les records du pathétique établis de dure lutte par Nadine MoranoIllustration: la stratégie de la poussette, C.Michel (2013)
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