"- Je suis en formation !".
Un peu partout on l'entend, la phrase revient souvent.
Alors que la loi réformant la formation professionnelle (concernant des millions de chômeurs et de salariés) était rejetée au Sénat cette semaine, quelle n'est pas ma surprise de constater que la vidéo de Michel Sapin, ministre du Travail, expliquant assez clairement pour une fois les améliorations incluses ne cumule que 104 visionnages sur Dailymotion cinq jours après sa mise en ligne.
(capture le 22/02, mis en ligne par le gouvernement le 17/02)
Donnons un petit coup de pouce au service com' du gouvernement en relayant cette vidéo :
Le truc ayant été (provisoirement) rejeté, discutons du fond
La formation professionnelle représentait en 2010 un budget de 31.5 milliards d'euros dont 13 financés par les entreprises, le reste par la collectivité (état, région, Europe). En période de restriction budgétaire, où les intermittents sont stigmatisés pour à peine un petit milliard (et encore ça se discute), à la vue des résultats de la formation professionnelle sur le chômage et la progression salariale (entre rien et nul), n'y aurait-il pas un petit ménage à faire ?
Comme le souligne un rapport de la DARES en 2010, l'argent des formations est orienté à 85% vers les salariés (essentiellement dans les grosses sociétés). La formation devrait s’adresser, par définition, à ceux manquant de qualifications pour retrouver un nouvel emploi : les chômeurs. Seuls 8% d'entre eux se partagent les restes. Et encore, entre la complexité des paperasses et les castings, une discrimination s’opère au bénéfice des plus qualifiés.
Comme l’exposait l'émission Cash investigation en octobre dernier (voir ci-dessous, et là faut vraiment visionner) : n’importe qui peut se déclarer formateur. N’importe quel organisme de formation peur créer n’importe quelle formation, vendre sa prestation à n’importe quelle entreprise, légalement obligée d'en financer une partie. Comme l'inspection du travail, le contrôle des formations est en sous-effectif (Médiapart parle de 200 inspecteurs pour 30 milliards d'euros en circulation : autant dire rien et, sur les 80 pages du projet de loi, seuls deux feuillets sont consacrés au renforcement du contrôle, apprend-on également). Il est donc aisé pour un petit malin de bien gagner sa vie en vendant à des gens pouvant s'en passer des formations bidons, mais subventionnées.
Comme le souligne un rapport de la DARES en 2010, l'argent des formations est orienté à 85% vers les salariés (essentiellement dans les grosses sociétés). La formation devrait s’adresser, par définition, à ceux manquant de qualifications pour retrouver un nouvel emploi : les chômeurs. Seuls 8% d'entre eux se partagent les restes. Et encore, entre la complexité des paperasses et les castings, une discrimination s’opère au bénéfice des plus qualifiés.
Comme l’exposait l'émission Cash investigation en octobre dernier (voir ci-dessous, et là faut vraiment visionner) : n’importe qui peut se déclarer formateur. N’importe quel organisme de formation peur créer n’importe quelle formation, vendre sa prestation à n’importe quelle entreprise, légalement obligée d'en financer une partie. Comme l'inspection du travail, le contrôle des formations est en sous-effectif (Médiapart parle de 200 inspecteurs pour 30 milliards d'euros en circulation : autant dire rien et, sur les 80 pages du projet de loi, seuls deux feuillets sont consacrés au renforcement du contrôle, apprend-on également). Il est donc aisé pour un petit malin de bien gagner sa vie en vendant à des gens pouvant s'en passer des formations bidons, mais subventionnées.
Deux questions se posent :
1 / Pourquoi rien n’est réformé vu les sommes en jeu et l’inefficacité du bidule ?
2 / Pourquoi autant de gens sont friands de formation ?
La réponse à la première question est simple : ça génère beaucoup trop de pognon, trop de boites, d'organismes, de syndicats, se sucrent. C’est désormais un secteur économique à part entière qui génère de l'emploi (euh... oui pour les formateurs).
Pour les autorités, même coûteuse, cette dynamique comportementale de la formation sans fin, où chacun devient l'entrepreneur de son cursus professionnel a une utilité sociale non négligeable (comme en son temps l’accession à la propriété, et sa légende urbaine de l'enrichissement inexorable, compensait la stagnation salariale) : elle canalise les esprits, place l'individu dans une dynamique, cultive dans l'intime le concept de flexibilité professionnelle (totem libéral) tout en triturant chez le chômeur, ou futur chômeur, un fond de culpabilité sur son oisiveté supposée. Il vaudrait mieux se former, même pour rien, que de ne rien faire.
Pour les autorités, même coûteuse, cette dynamique comportementale de la formation sans fin, où chacun devient l'entrepreneur de son cursus professionnel a une utilité sociale non négligeable (comme en son temps l’accession à la propriété, et sa légende urbaine de l'enrichissement inexorable, compensait la stagnation salariale) : elle canalise les esprits, place l'individu dans une dynamique, cultive dans l'intime le concept de flexibilité professionnelle (totem libéral) tout en triturant chez le chômeur, ou futur chômeur, un fond de culpabilité sur son oisiveté supposée. Il vaudrait mieux se former, même pour rien, que de ne rien faire.
Dans l'entreprise, la formation c’est un peu le club med du salarié. A défaut d’être augmenté, le salarié est valorisé et change d’air. La formation redonne confiance, permet de décompresser, revalorise parfois et renvoie au confort sécurisant des bancs d’école. Le salarié souffle, l’entreprise gagne un collaborateur redynamisé trois jours, des organismes en vivent, la collectivité raque. Pourquoi s’arrêter ?
En plus d'offrir à l'Etat l'opportunité de les rayer des statistiques, les 14% de demandeurs d'emploi concernés retrouvent avec la formation des perspectives, un cap. A condition que la formation soit sérieuse, bien appréhendée par le candidat et qu'il y ait une demande identifiée en face, parfois ça marche (vu et revu).
Je mets hors de l'équation ceux en quête d'un meilleur moi (inépuisable chair à canon marketing), finançant eux mêmes une formation, en toc et coûteuse (avec endettement c'est mieux), dans la kyrielle des organismes interlopes.
En tant qu'adeptes du 2+2=4, posons cette petite question à 30 milliards :
Si le stock d'emplois est limité (et avec des millions de chômeurs depuis des années, on peut se le demander), à la fin du bonneteau, quand chacun aura échangé son boulot avec son voisin (en admettant que les formations correspondent réellement à un boulot), il y aura toujours cinq millions de chômeurs.
Du pognon en masse, de l'argent public distribué sans aucun contrôle, des entreprises qui financent selon leurs intérêts, des organismes opaques qui pullulent : comme pour internet ou l'immobilier jadis ne sommes-nous pas en présence d'une belle bulle ? Une bulle de la formation ne bénéficiant pas de surcroît aux gens qui en ont théoriquement le plus besoin ?
En attendant des éclaircissements, et un nouveau passage de la réforme à l'Assemblée, on peut juste conseiller au candidat à la reconversion professionnelle de faire la seule et unique formation assurée d’un débouché à court terme : une formation de formateur.
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La sécurité de l'emploi (de Laurence Parisot)
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Nouveau livre de Seb Musset, L'abondance.
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Disponible ici en papier ou ebook.
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