Sachez-le. Pour la prochaine élection interne du MEDEF, Laurence Parisot a mon soutien.
La patronne des patrons, en campagne pour sa re-succession, était l’invitée du 12/13 dimanche 10 mars sur France 3. C'est une bonne occasion de s’informer à la source des inclinaisons gouvernementales pour les semaines à venir. C'est aussi l'opportunité de savourer les dernières sophistications ouatées de la rhétorique patronale hardcore où l'art de l'esquive des réalités sociales de 99% de la population se mêle au souci de ramener, à base de bon sens et sans douleur immédiate, l'exploité dans le camp idéologique de ceux qui l'exploitent.
Entrée aux petits-fours, avec pop de bouchon de champagne, sur la mort du "dictateur" Chavez qui "incarne le populisme dans toute son horreur".
L.Parisot dévie d'entrée une question sur l'ANI (accord national interprofessionnel) en omettant de préciser l’avancée énorme qu'il constitue pour le patronat (ayant désormais open-bar pour baisser les salaires, forcer à la mobilité les travailleurs tout en réduisant leurs possibilités de recours en cas de licenciement), et se plaint que l'accord (signé par la majorité des syndicats minoritaires) doive encore passer au crible des députes ! Étrange conception d'une démocratie dont la patronne du Medef se réjouit pour le Venezuela, mais qu'elle souhaite qu'on court-circuite ici.
Ca se poursuit tranquille, en mode TINA, au sujet de la réduction de la courbe du chômage promise par François Hollande avant la fin de l'année.
" - C’est peut-être possible à une condition: que le gouvernement adopte une politique économique pro-entreprise. Il n’y a pas d’autre voie possible."
Puis L.Parisot se lance dans une condamnation des politiques économiques et fiscales, à l'évidence communiste, des dernières années qui "pénalisent l’investissement, qui empêchent la prise de risque entrepreneurial" en pointant la "gravissime affaire" de la fiscalité sur les plus-values de cessions d’actions. Notons le lien naturel une fois de plus opéré entre entrepreneur et revente des actions de l'entreprise, cette dernière étant considérée sous l’angle de la pure spéculation à prise rapide de bénéfices.
Rappelons encore et encore que la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises à diminué de 10 points en 30 ans passant de 67% à 57%. Le tout dans un contexte fiscal bénéficiant aux entreprises, notamment les grandes qui ont a leur disposition une batterie de spécialistes de l’optimisation. Les entreprises du CAC 40, malgré la criseTM[1] ont encore emmagasiné 53 milliards de bénéfice en 2012. 53 milliards ! Pour l'investissement, c'est comme pour la hausse des salaires: j'attends encore.
Alors qu’on lui demande de se prononcer sur l'interdiction des parachutes dorés, récemment votée par référendum en Suisse et l’éventualité d'une limitation des gros salaires, la boss du Medef qui a le "populisme" en horreur, et selon le désormais rodé axiome de Gad Elmaleh récemment remis au goût du jour par Gérard Depardieu, ne s'encombre pas de principes pour procéder à l'analogie entre les patrons du CAC (dont le salaire moyen a augmenté de 4 millions l'an passé) et les salariés (la moitié d'entre eux touchent moins de 1673 euros) en passant par la case artiste populaire.
" - Et pourquoi pas sur les artistes de cinéma ? Pourquoi pas sur les sportifs ? Pourquoi pas fixer par la loi le salaire de tout le monde !" S'énerve-t-elle. C'est vrai quel scandale cette idée d'une loi pour limiter les revenus des patrons au moment extatique où l'on va imposer aux salariés de baisser les leurs !
Questionnée sur le cadeau fiscal de l'automne dernier, le crédit d’impôt pour la compétitivité des entreprises (20 milliards d’aide supplémentaire aux entreprises financées par une augmentation de la TVA), elle le juge d’emblée "non suffisant" avant de basculer en mode Ifrap sur "la dépense publique en France qui étouffe la création de richesses […] et empêche la création d’emplois" On pourrait lui avancer que cette dépense publique, face à la stagnation des salaires et à leur diminution souhaitée est le dernier rempart contre la chute massive de la consommation interne. Ce n’est pas fait. On en reste à son affirmatif "si l’on ne réduit pas la dépense publique, nous ne réduirons pas la courbe du chômage". Ce qui se vérifie chaque jour dans tous les pays persévérant dans leurs politiques d'austérité, avec des taux de chômage bientôt au triple du nôtre.
L'interview s'achève sur un "nous sommes en danger sur les retraites (Nous. Pas elle. Il est toujours bon de le rappeler) si nous ne faisons pas une réforme structurelle". Et la machine mise en branle en 2010 se réenclenche sur les mêmes raccourcis:
- Tu l'as vu mon gros déficit (je renvoie à plus haut: payez moins les actionnaires et plus les salariés, mathématiquement les cotisations augmenteront),
- l'espérance de vie augmente (sans préciser qu'un ouvrier en a bien moins qu'un cadre sup),
- l'oubli de notre forte natalité (donc plus de cotisants dans 20 ans),
- l'absence totale de l'ébauche de l’hypothèse d'une augmentation des cotisations côté patrons pour s'en tenir à l'allongement de la durée de cotisation et l'augmentation de l'âge du départ à la retraite, ceci dans un seul but: exploser le système de retraites par répartition pour le basculer dans le privé.
Bon, on pourra toujours discuter (mais avec quelqu'un de sensé) de la viabilité mathématique de l'augmentation de la durée de cotisation alors que chacun entre de plus en plus tard sur le marché de l’emploi pour en sortir de plus en plus tôt (Si le taux de chômage des moins de 25 ans est à 25%, celui des 55-64 grimpe à 40%).
Laurence Parisot, elle, conclut sa ballade de campagne par un vibrant hommage à la jeunesse et à l'esprit d'entreprise, en la personne de Liliane Bettencourt, rentière du 4e âge qui n’a même pas conscience des 6 milliards de plus empochés sans rien faire cette année (91 euros par français, bébés inclus, j'ai calculé) dont une fraction du butin boursier ira alimenter la cagnotte du MEDEF pour ces futurs colloques primesautiers où il nous sera seriné que vraiment nous ne travaillons pas assez et pour trop cher.
Malgré mes désaccords profonds, face à sa verve stratosphérique et pour l'exaspération évidente qu'elle provoque chez tout travailleur, je ne peux qu'encourager Laurence Parisot dans son combat pour s'accrocher à son poste pour un troisième mandat, contre les statuts de son organisation, et ce au moment où elle impose de la flexibilité à tous.
Go Laurence go !
Illustration: déjà utilisée, je sais. Mais c'est la rigueur.
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